L’achat d’un cheval est souvent la concrétisation d’un rêve d’une vie. Vous avez donc pris beaucoup de temps avant de vous décider, vous avez parcouru de nombreux sites d’annonces de chevaux à vendre, vous vous êtes déplacé et avez discuté avec les vendeurs ou éleveurs et vous avez fini par trouver la perle rare. Le processus n’est pas terminé et avant de conclure la transaction, il y a une étape devenue quasi incontournable : la visité vétérinaire dite « visite d’achat ». Cette visite n’est pas anodine puisqu’elle sera en général le dernier élément qui influencera votre décision de conclure ou non la transaction. Vous trouverez ci-après des réponses aux questions que vous vous posez concernant cette visite.
Quel vétérinaire désigner ?
La visite d’achat consiste en général en un examen clinique pratiqué par un vétérinaire désigné en général par l’acquéreur. En mandatant son propre vétérinaire l’acquéreur aura le sentiment que celui-ci aura un avis plus impartial puisqu’il ne sera pas tenté de lui cacher des choses afin de défendre la position du vendeur qui est son client habituel. Cependant, le vétérinaire a un devoir d’information à l’égard de celui qui l’a mandaté, il ne peut donc pas, en principe, dissimuler un antécédent médical qui pourrait avoir des conséquences sur la décision d’achat de son mandant. Toutefois, le vétérinaire est également soumis au secret médical (Art. R242-33 du Code de Déontologie) et ne saurait divulguer des informations concernant l’état de santé du cheval sans l’accord du vendeur. Si ce dernier n’a rien à cacher, il devrait être d’accord pour relever le vétérinaire de son secret médical afin de vous rendre un rapport complet et objectif. Il peut donc être judicieux de demander au vendeur de désigner le vétérinaire qui suit habituellement le cheval.
Quelles sont les obligations du vétérinaire dans le cadre de cette visite ?
Comme indiqué ci-dessus, le vétérinaire est tenu d’une obligation d’information. Il doit donc informer le potentiel acquéreur de tout élément qui pourrait avoir un impact sur le choix ou non d’acquérir le cheval (CA Angers 13 mars 2018 RG N° 16/00452 ).
Pour accomplir cette obligation d’information, le vétérinaire vous remet en principe un compte-rendu écrit pour lequel il doit apporter le plus grand soin à sa rédaction (R 242 –38 du code de déontologie vétérinaire). En l’absence d’un tel compte-rendu, le vétérinaire engage sa responsabilité (CA de Versailles 18 Juin 2019 N°RG : 18/00290 ).
Quels examens pratiquer ?
Tout dépend de votre budget. Les examens radiologiques sont assez coûteux et il peut sembler disproportionné de dépenser plus de 1000 euros dans une visite d’un cheval affiché au prix de 3000 euros par exemple. En moyenne, une visite basique complétée par les principaux examens radiologiques s’élève à 500 € environ. Pour un cheval de sport destiné au haut niveau, les examens seront plus complets et donc plus coûteux.
Ce qu’il faut noter est que le vétérinaire est tenu d’une obligation d’information dans la limite de son mandat. Il ne pourrait en effet lui être reproché de ne pas avoir identifié un problème qui nécessiterait par exemple des examens radiologiques si vous ne l’avez mandaté que pour un examen clinique. En revanche, un vétérinaire s’est vu reproché le fait de ne pas avoir signalé un défaut visible sur une radiologie du boulet au prétexte que le contrat ne comportait que l’examen des pieds (CA Dijon, 6 juillet 2004, RG n°03/01236). Au cas particulier, la Cour indique que « le format du film permettait une lecture acceptable de cette articulation ».
Peut-on engager la responsabilité du vétérinaire si le cheval présente un problème de santé non détecté lors de la visite ? Quel montant de réparation peut-on espérer obtenir ?
On peut, sous certaines conditions, engager la responsabilité du vétérinaire dans le cadre de la visite d’achat. Il faut constater une faute commise lors de l’examen du cheval : le vétérinaire n’a pas identifié un problème alors qu’il était en mesure de le faire. Cette faute sera en principe confirmée par un vétérinaire expert judiciaire.
Ensuite, il faut un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice (CA Nîmes, 29 mars 2011, n°219, 08/02115). A cet égard, il n’est pas possible pour l’acquéreur de demander l’indemnisation du préjudice suite à la revente manquée du cheval (CA de Versailles 18 Juin 2019 N°RG : 18/00290). Dans cet arrêt, l’acquéreur avait acquis un cheval de 3 ans au prix de 9000 € et avait manqué une revente 2 ans plus tard au prix de 80 000 €. Bien que la responsabilité du vétérinaire a été reconnue, la faute commise par celui-ci n’avait pas de conséquence directe sur la seconde vente.
En général, lorsque le vétérinaire a manqué à son devoir d’information le préjudice consiste dans la perte de chance de ne pas avoir acquis le cheval. Il faut savoir qu’une perte de chance n’est presque jamais indemnisée à 100%.
D’autre part, le vétérinaire n’ayant pas perçu le prix du cheval, celui-ci ne peut pas lui être réclamé. Tout au plus le vétérinaire sera donc condamné à rembourser tout ou partie des frais d’entretien du cheval (pensions et frais vétérinaires).
En cas de faute du vétérinaire doit-on également poursuivre le vendeur ?
Oui, et si votre contrat contient une clause de garantie des vices cachés (ou si la garantie légale de conformité s’applique, voir les garanties dans la vente du cheval), vous pourrez espérer obtenir le remboursement du prix du cheval par le vendeur (ce dernier ayant la possibilité de se retourner contre le vétérinaire qui a commis une faute dite « quasi-délictuelle » à son encontre).
Cependant, il faut savoir que si le vétérinaire a signalé une affection dans son compte-rendu mais qu’il a donné un avis positif pour la vente (c’est souvent le cas de pathologie courantes), la demande en garantie des vices cachés ne pourra pas aboutir (TGI de Lisieux du 9 juillet 2008, CA Paris 6 novembre 1998). En effet, le principe de la garantie des vices cachés repose sur l’ignorance de l’acquéreur concernant le problème de santé du cheval.