Le cheval de cirque

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Le cheval de cirque n’existe pas mais sans le cheval, le cirque ne serait pas. Ce cirque qui enchante petits et grands a moins de deux siècles et demi d’existence ; l’homme n’a heureusement pas attendu son avènement pour modeler et développer les différentes races de chevaux qui s’expriment sous les chapiteaux.

spectacle de cheval au cirque

Le cirque commence à cheval

Véritable créateur du cirque en 1768, le sergent-major de cavalerie anglais de vingt-six ans, Philip Astley, a pour premiers partenaires ses chevaux. C’est la raison pour laquelle tout cirque digne de cette appellation comporte obligatoirement une piste au sol de terre végétale et de sciure mélangées, spécifiquement conçue pour la voltige équestre, historiquement le premier exercice donné dans ce type d’établissement. C’est le même homme, en maître de manège guidant autour de lui l’évolution de ses chevaux à l’aide d’une chambrière tenue à bout de bras, lanière déployée, qui a dessiné l’espace scénique circulaire d’un rayon de 6 m à 6,50 m qui constitue la piste de cirque.

Dès 1770, Philip Astley mêla dans son spectacle, à ses exploits d’écuyer-voltigeur, ceux de jongleurs, d’acrobates et de danseurs de corde qui se produisaient habituellement dans les foires et les fêtes foraines. De ce cirque des origines aux cirques d’aujourd’hui, si le cheval a perdu le premier rôle, du moins son empreinte est-elle indélébile : toutes les pistes de cirque au monde ont pour dimension universelle 12 à 13 m de diamètre (40 pieds)… y compris chez Bamum, qui, gigantisme oblige, en compte trois !

Les premières écuyères de voltige, dont Madame Astley elle-même, apparurent très vite en piste et, dès 1774, les Parisiens purent les admirer. Les talents de “danseur à cheval au grand galop” du fils de Philip Astley, John, né en 1770, lui permirent de tenir l’affiche à Paris en 1782. John prendra en 1788 la direction de l’Amphithéâtre anglais (premier cirque parisien créé au faubourg du Temple six ans plus tôt par son père) avec, au programme, Antonio Franconi, ses fils et leurs 20 chevaux. Ce Franconi, Vénitien de naissance, profitera du retour d’Astley en Angleterre pendant la Révolution pour s’approprier son établissement qui, en 1795, deviendra l’Amphithéâtre Franconi, où apparaît, pour la première fois en piste, présenté par son fils Henri, un dressage de haute école. Henri, avec son frère Laurent et leurs épouses respectives – Catherine Cousis et Marie Lequien, les premières à se produire en écuyères à panneau (écuyère vêtue d’une tunique à l’antique ou d’un tutu de ballerine, juchée sur un panneau rembourré attaché sur le dos du cheval où elle exécute des pas de danse et des sauts de rubans ou de cerceaux) – créèrent en 1806 le premier établissement portant à Paris le nom de cirque: le Cirque olympique. Lui succéda le Nouveau Cirque olympique où, en 1818, le voltigeur anglais Andrew Ducrow rencontra la gloire. C’est lui qui créa le numéro du Courrier de Saint- Pétersbourg, autrement appelé la Poste, dans lequel, debout sur deux chevaux de front au galop, l’écuyer saisit au passage les rênes repliées sur le garrot de huit chevaux qui, un par un, passent sous lui entre les deux chevaux porteurs, lui permettant ainsi de conduire aux longues rênes son fougueux équipage dans une course folle. Cet exercice a été porté en 1999 à son paroxysme avec dix-sept chevaux en piste par une extraordinaire écuyère d’à peine dix-huit ans, Maud Gruss, digne fille de son père Alexis Gruss.

C’est encore grâce au cheval que, de sédentaires, les cirques devinrent voyageurs. Dès 1830, en Angleterre, des attelages de plusieurs chevaux tractaient leurs lourds convois. En 1870, Bamum se lancera aux Etats- Unis avec 150 chevaux, 13 éléphants et… des chars de parade dorés à la feuille.

Les différentes prestations des chevaux au cirque

 

Les premiers écuyers-voltigeurs à l’origine du cirque utilisaient des chevaux harnachés et sellés. Ce n’est que vers 1820 que l’on commença à pratiquer la voltige sur chevaux nus.

La voltige de cirque

Le Français Jacques Gautier tourna en 1825 le premier saut périlleux sur un cheval, retour assis; l’Américain John Glenroy réussit en 1846 le premier saut périlleux, arrivée debout et son compatriote Robert Stickey, le premier double saut périlleux, vingt-six ans plus tard. Orvin Davenport créa le saut périlleux d’un cheval à l’autre se suivant. Le numéro dit de “jockey” est une création de l’Anglais Billy Bell: le jockey exécute une série de sauts – à califourchon, à genoux, debout – sur le dos d’un cheval au galop en partant de la piste. Spécialité venue de l’Orient, “la voltige à la cosaque” présentée par les djiguites, nécessite une piste à banquette renforcée, les chevaux non enrênés galopant très vite, tandis que les voltigeurs évoluent dans toutes les positions autour d’une selle munie de multiples poignées ; ils passent même sous le ventre de leur monture avec un sabre entre les dents, les chevaux franchissant, en final, des barrières de feu. D’Occident cette fois, la voltige “à la cow-boy”, avec force exercices de tir et de lasso, a été introduite en Europe en 1885 par Buffalo Bill, en même temps que le rodéo.

La monture de voltige (à part celles fringantes et véloces des djiguites et des cow-boys) est un cheval lourd, régulier dans son allure, mais doté d’une solide impulsion: Frison, Danois, Holsteiner, Percheron, Comtois, Boulonnais… On préfère dans cette discipline les juments pour leur tempérament plus calme et leur croupe plus relevée que celle des mâles; notable exception: quatre imposants étalons Boulonnais sont les partenaires du “quadruple jockey” de la cinquième génération Gruss au “Cirque à l’ancienne”.

Comiques à cheval

Les premiers écuyers comiques, Saunders et Fortinelli, mimaient chez Philip Astley le tailleur et son aide qui avaient dans l’armée la réputation de piètres cavaliers. Leur numéro consistait en un florilège de maladresses et de chutes dont le ridicule déclenchait l’hilarité. Chez Franconi, cette entrée fut baptisée le Tailleur gas- con ou Rognolet et Passe-Carreau. L’exercice est aujourd’hui plutôt réalisé par le seul personnage d’un “paysan” chancelant, debout sur un cheval au galop, se dévêtant progressivement d’une considérable superposition de gilets qui arrondissent sa silhouette.

Pantomimes équestres

Franconi, toujours lui, popularisa de grandes pantomimes d’inspiration militaire qui mobilisaient une imposante figuration à cheval: l’Empire des Cent jours, Austerlitz, Histoire d’un dragon, Bonaparte au pont d’Arcole, etc. D’autres, plus près de nous, d’inspiration romaine, reprirent les courses de chars : Quo vadis chez Sarrasani en Allemagne, Ben Hur en France au Radio Circus Gruss de 1962 à 1965, puis chez jean Richard en 1975.

Dressage en liberté

Les premiers exercices de dressage en liberté des débuts du cirque consistaient en des numéros individuels tels que le Cheval savant, le Cheval rapporteur, le Cheval faisant le mort. On voit même encore dans les petits cirques des chevaux calculateurs ou récalcitrants, répondant oui ou non de la tête.

Les présentations d’ensemble où plusieurs chevaux enchaînent passages à main droite, demi-voltes, passages à main gauche, pirouettes, passages par deux, trois ou quatre, valses, cabrades, etc. Elles furent inaugurées vers 1850 par Louis Soullier et Ernest Renz. Elles demeurent aujourd’hui, sous la plupart des chapiteaux, l’ultime témoignage de l’âge d’or du cirque équestre. Ici, toute race peut être utilisée, l’objectif étant de mettre en valeur la plastique des chevaux dans une chorégraphie harmonieuse, soit en accordant les modèles et les robes, soit, au contraire, en jouant sur les contrastes: mini et maxi (Falabellas et Shires), sang chaud et sang froid (Arabes et Percherons), noir et blanc, bai brun et gris clair.

Dans les carrousels, plusieurs groupes de chevaux, choh sis généralement de robes différenciées et pouvant tota- User deux douzaines d’individus ou plus, exécutent de concert différentes figures dans un tableau d’ensemble très spectaculaire.

La haute école

Apporté au cirque à la fin du XVIIIe siècle par Antonio Franconi, qui l’avait appris en Italie, cet art fut magistralement illustré sur la piste par ses fils Henri et surtout Laurent, ainsi que par son petit-fils Victor.

Au XIXe siècle, le “dieu du cirque” en haute école reste François Baucher. Il eut pour élèves, entre autres, Théodore Rancy et Caroline Loyo, première amazone de haute école au cirque. Sur la piste, les écuyères et écuyers contemporains, selon leur goût, leur tempérament ou leur corpulence, ont pour partenaire un Pur- Sang Anglais ou un Arabe – un Lippizan (comme à Vienne) ou un Andalou (comme à Jerez) – un Lusitano, un Ukrainien ou un Akhal-Téké. Barbes, Frisons et tout cheval de selle ayant suffisamment de sang et bien mis peuvent parfaitement briller dans des airs de haute école classiques ou fantaisistes, selon le savoir-faire, la sensibilité, l’imagination et le talent particulier de leur maître.

Les chevaux artistes

Les écuries de cirque abritent quasi exclusivement des étalons. Dans toutes les disciplines de la piste, à part la voltige, les entiers sont préférés pour leur caractère altier, leur tempérament fougueux et leur aptitude naturelle à se cabrer est apprécié.

Le cheval arrive au cirque vers l’âge de trois ans. On l’habitue à la fréquentation de ses congénères puis à faire confiance à son dresseur. Il va s’accoutumer à la longe et à la chambrière (comme aides), apprendre la piste, l’appel, les différentes allures, à reculer, se cabrer, marcher debout, faire des courbettes, se coucher et même s’asseoir, faire un “compliment”… La gymnastique physique et psychologique quotidienne que lui impose l’apprentissage de son métier va lui forger un corps d’athlète, lui procurer l’équilibre et l’assurance qui lui permettront de resplendir en piste, tant en soliste qu’en groupe, tant monté qu’aux longues rênes ou en liberté.

Cette savante et patiente éducation, toujours fondée sur le respect réciproque entre maître et élève, valorise les attitudes et comportements naturels du second pour faire de lui non pas un “cheval de cirque”, mais véritablement un “cheval artiste” au cirque !

Pour en savoir plus : le cheval au cirque

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