La peau du cheval, comme d’autres organes, est l’objet de processus pathologiques nombreux : infectieux (bactériens et viraux), parasitaires, fongiques, cancéreux… mais elle a, par rapport à des organes profonds, une situation particulière due à deux caractères : celui d’être en contact permanent avec le milieu extérieur, par conséquent d’être exposée à de multiples agressions et agents pathogènes ; celui d’être considérée comme “le miroir de l’organisme” des chevaux car elle est immédiatement visible et susceptible de fournir aisément des prélèvements tout en étant le siège de lésions qui peuvent être la conséquence ou l’expression de processus pathologiques profonds, “internes”. Cette situation particulière confère à la dermatologie une place essentielle et originale au sein des disciplines médicales : si d’un côté la sémiologie cutanée (c’est-à-dire l’étude des signes, en l’occurrence des lésions cutanées) est apparemment plus simple et les investigations complémentaires plus aisées, de l’autre, les motifs de consultation dermatologique sont fréquents, les cas cliniques difficiles et relevant davantage de la médecine interne que de la dermatologie.
Les différents types de maladie de peau chez le cheval
Les lésions cutanées sont très variées. Leur observation et reconnaissance sont la base de la consultation permettant d’identifier le processus pathologique responsable. Leur identification repose sur l’observation et la palpation ou le toucher. On peut rencontrer:
- des lésions de décoloration (vitiligo) ou de pigmentation de la peau (macule). La peau peut présenter des extravasations sanguines (purpura), des taches de grandes dimensions et pigmentées en noir (plaques de mélanisation) ou être le siège d’un phénomène congestif donnant une couleur rouge uniforme (érythème) ;
- des lésions en relief déformant la peau, isolables entre les doigts, volumineuses ou de taille très réduite, uniques ou multiples, fermes ou déformables, pleines ou renfermant du liquide (lymphe, sang) ou du pus, colorées ou dépigmentées, érodées (perte de substance superficielle n’allant pas au-delà de l’épiderme) ou ulcérées (atteinte du derme), sèches ou humides, exsudatives, sanguinolentes, grasses (séborrhée), malodorantes ;
- des lésions squameuses (production anormale et augmentée de “pellicules”, cellules épidermiques engrainées les unes aux autres), croûteuses (résultat d’un processus de dessiccation d’un liquide en surface), fibreuses ou cicatricielles, anciennes, chroniques ou lichénifiées (peau très épaissie, glabre, plissée) ;
La récolte des commémoratifs (histoire de l’animal, connaissance approfondie de son passé et de son mode de vie), de l’anamnèse (histoire de la maladie: ancienneté, évolution, traitements antérieurs…) et des lésions cutanées précédemment décrites et des éventuels symptômes généraux permettent au vétérinaire d’envisager des hypothèses cliniques qu’il confirmera (ou infirmera) par des examens complémentaires appropriés. Le praticien en effet est confronté à de très nombreuses causes ou facteurs responsables d’affections cutanées, ce qui constitue l’étiologie.
Une maladie de peau courante chez le cheval : la dermatophilose
La dermatophilose est une dermatose bactérienne caractérisée par la production de pus verdâtre agglutinant les poils et évoluant vers l’alopécie ; il s’agit d’une pyodermite provoquée par une bactérie filamenteuse Dermatophilus congolensis et la conjonction de divers facteurs.
Elle apparaît chez les chevaux exposés à des précipitations répétées durant plusieurs semaines ou à une humidité excessive: le pelage long persistant favorise alors une certaine rétention d’eau, en particulier sur la ligne supérieure du corps, siège des lésions cutanées. Elle est apparemment contagieuse dans la mesure où elle sévit chez plusieurs individus vivants ensemble et soumis aux mêmes conditions. En fait, la présence d’insectes piqueurs (mouches hématophages : taons, “mouches- araignées”, moustiques…) abondants lors de printemps ou d’été humide, provoquent, chez les chevaux expo- sés, l’apparition de plaies de piqûres : portes d’entrée de la bactérie.
Les lésions sont assez caractéristiques : poils agglutinés en touffes, en paquets qui après leur chute, laissent apparaître une zone de suppuration verdâtre, épaisse, collante, siégeant sur les zones de rétention d’eau (croupes, dos, parties supérieures des flancs, canons des chevaux entraînés ou gardés dans des zones à herbe humide, longue et épineuse). Ces lésions ne sont pas à l’origine de démangeaisons ou de plaies de frottement et l’état général de l’animal est conservé (sauf si celui’ ci était antérieurement profondément dégradé au point d’entraîner, secondairement, une dermatophilose de complication). Elles évoluent ensuite vers la formation de croûtes, de crevasses. Le diagnostic est en général facile et peut être confirmé par l’observation microscopique de la bactérie filamenteuse.
La dermatophilose est l’exemple d’une dermatose multifactorielle dont l’analyse rigoureuse permet de définir les règles de traitement et de protection: rentrée des animaux dans des box ou des zones de pâture avec abri, tonte des régions supérieures du corps, nettoyage avec des solutions antiseptiques diluées non irritantes, administration par voie générale d’antibiotiques en cas de lésions très étendues ou très anciennes.
La “gale d’été” ou dermatite estivale récidivante chez le cheval
Est une dermatose prurigineuse, croûteuse, alopéciante, parfois invalidante, estivale, récurrente et intéressant certains chevaux issus de certaines lignées: elle est le résultat de mécanismes d’allergie induits par un moucheron hématophage du genre Culicoides. Cet insecte pique l’animal pour effectuer son repas de sang. Pour cela, il inocule “une salive” qui induit des phénomènes d’allergie, c’est-à-dire des réactions cutanées exacerbées, spectaculaires, provoquées par des substances a priori anodines mais inoculées de façon répétée et provoquant ainsi, de la part du système immunitaire, des réactions pathologiques. Le traitement suppose de rentrer l’animal au box et d’utiliser des corticoïdes.
Les gestes importants en présence d’une maladie de peau chez le cheval
Il est utile, lorsque l’on est confronté à des lésions cutanées chez un cheval, de respecter quelques règles élémentaires: couper les poils, nettoyer lors d’effraction cutanée avec du savon ou un antiseptique dilué non irritant, s’assurer que le harnachement n’est pas blessant ou responsable de la lésion, vérifier la validité de la vaccination antitétanique, ne pas appliquer de pommade ou de crème renfermant des corticoïdes, demander une consultation médicale dès le moindre doute ou lors d’extension ou de non-guérison de la lésion initiale.
Contrairement à ce que l’on entend tous les jours en consultation: “la médecine vétérinaire est difficile parce que les malades ne parlent pas et ne peuvent dire où ils ont mal”, ce handicap apparent est en fait un avantage car l’expression muette de nos malades est souvent bien plus significative et utile que certains longs discours, souvent teintés d’anthropomorphisme et dont les arguments apportent peu ou rien à l’instauration d’un diagnostic. S’il peut exister quelques cas de troubles du comportement chez l’animal, nos patients ne souffrent pas de maladie imaginaire, artificielle, simulée, voire même comme cela existe chez l’homme, auto-infligée !