Toute la difficulté d’un éleveur ou d’un entraîneur est d’obtenir chez ses chevaux une bonne qualité des os et des autres structures majeures du système locomoteur que sont les tendons, les muscles et les ligaments, par un entraînement adapté et une alimentation équilibrée. Il ne faut pas perdre de vue non plus que certains chevaux partent déficitaires à cause d’une mauvaise conformation qui induit des forces anormalement élevées sur certains os et sur certaines articulations les rendant plus susceptibles de développer des affections.
Structure, fonction et adaptation de l’os du cheval
Les os peuvent être classés par leur taille, leur forme, leur localisation ou leur fonction. Un type d’os très important dans le squelette d’un cheval est l’os long. Ce type d’os a une architecture et une organisation complexe. Il est entouré d’un périoste, membrane fibreuse richement vascularisée et contenant des ostéoblastes aptes à réparer des lésions de la surface de l’os. Cette surface est formée d’un os compact très dense qui enveloppe l’os spongieux ou trabéculaire qui est formé de travées osseuses qui protègent la moelle osseuse. Celle-ci peut prendre deux aspects: la moelle jaune ou graisseuse et la moelle rouge qui est à l’origine des globules rouges et des globules blancs. Le tissu osseux, compact ou spongieux, est très actif et soumis à un remaniement perpétuel tout au long de la vie du cheval. Ce tissu est formé d’une matrice contenant des cellules (ostéoblastes, ostéocytes, ostéoclastes) et sur laquelle se dépose une phase minérale à base de calcium et de phosphore.
L’os qui est donc remanié physiologiquement de façon perpétuelle est aussi capable de répondre aux stimulations mécaniques grâce à une organisation complexe entre les divers types de cellules osseuses. Globalement, l’exercice entraîne une augmentation de la densité osseuse par accroissement du dépôt de la phase minérale alors qu’à l’inverse, l’inactivité ou l’immobilisation d’un membre par un plâtre va réduire la densité osseuse.
Chez le cheval, les forces induites par l’exercice s’exercent essentiellement sur les os des quatre membres. C’est là qu’on observe de nombreuses adaptations du squelette.
Dans certains cas la réponse du tissu osseux peut être excessive, dans un sens comme dans l’autre, et engendrer des modifications pathologiques de l’os allant des ostéophytes ou exostoses (production nouvelle de tissu osseux en surface d’un os normal) à la fracture partielle ou complète d’un os en passant par la sclérose (augmentation excessive de la densité) ou la déminéralisation (perte de densité osseuse). Un exemple typique d’exostose est le “suros” régulièrement observé dans la région du canon. La déminéralisation sera observée lors du non-usage d’un membre ou lors d’une compression chronique d’un os.
Fractures chez le cheval
Les fractures chez le cheval peuvent atteindre n’importe quel os. Certaines sont liées à un problème d’adaptation (fractures de fatigue) et d’autres sont causées par un traumatisme direct sur l’os. Il est essentiel de définir si une fracture à une implication articulaire ou non et s’il y a rupture des tissus mous en surface de l’os fracturé. Si c’est le cas, on parlera d’une fracture ouverte ; c’est toujours une urgence et le pronostic est, quelle que soit la localisation de la fracture, beaucoup plus sombre que pour une fracture fermée du même site. Les symptômes liés à une fracture sont variables suivant la localisation, le type et l’étendue de la fracture.
Les fractures complètes d’un os sont majoritairement accompagnées de déplacement et faciles à reconnaître étant donné la forte douleur aiguë à la palpation, la tuméfaction qui va rapidement se développer au pourtour du site de fracture, le non-appui au sol du membre ou encore la mise en évidence de crépitations. Les autres types de fractures sont parfois plus difficilement reconnaissables. C’est ainsi qu’une fracture incomplète (par exemple une fracture de fatigue), souvent observée chez le cheval galopeur, induira chez ce dernier des signes moins marqués mais amplifiés avec l’exercice. Un cheval avec une fracture intra-articulaire aura une symptomatologie variable dépendant du type de fracture. Dans le cas d’un petit fragment, communément appelé souris articulaire, une distension de l’articulation avec une boiterie modérée sera observée alors qu’une fracture dite en bloc ou comminutive, et qui implique une plus grande partie de la surface articulaire, engendrera une boiterie beaucoup plus importante. Dans tous les cas de fracture, l’examen complémentaire de choix sera la radiologie. Cet examen est indispensable pour objectiver l’étendue des lésions et pour préparer la chirurgie si celle-ci est nécessaire.
Comment soigner la fracture chez le cheval
Le traitement d’une fracture doit tenir compte d’un principe de base qui est d’obtenir une bonne stabilité du site de fracture pour permettre une réparation osseuse de bonne qualité. Si celle-ci est atteinte, on réduira immédiatement la douleur et l’on obtiendra, après environ deux mois, une fusion entre les abouts osseux. Le retour à une solidité normale prendra entre six et douze mois. Pour obtenir une bonne stabilité on aura recours le plus souvent à une combinaison de repos, d’immobilisation du membre impliqué à l’aide d’un plâtre ou d’un bandage de support, et d’acte chirurgical adéquat. La chirurgie consiste soit en l’excision par arthrotomie ou arthroscopie du fragment fracturé s’il est petit ou en l’utilisation de fixateurs internes ou externes dans les autres cas. Les fixateurs internes tels les vis et les plaques sont le plus souvent utilisés chez le cheval. Une fois la fracture réparée, il est très important de reprendre un exercice contrôlé et très progressif pour que l’os puisse s’adapter au type de travail requis.
Le pronostic vital chez le cheval adulte, ou de plus de 300 kg reste actuellement très réservé pour de nombreuses fractures impliquant des structures squelettiques porteuses comme les os longs des membres. Mais, il est souvent bon pour des fractures plus petites ou situées sur des os ne servant pas à l’appui (métacarpiens rudimentaires, ulna) et le pronostic sera variable sur des os soumis à des tensions (os naviculaire, rotule, sésamoïdes) car ils cicatrisent mal et lentement. Mais dans l’ensemble, le pronostic vital et sportif ne cesse d’être amélioré et cela grâce au progrès permanent des techniques chirurgicales et des implants utilisés en médecine équine.
Depuis les années 90, les vétérinaires travaillent aussi à prévenir les problèmes osseux plutôt qu’à les guérir. Cela se fait par la recherche de techniques non invasives d’évaluation du squelette. C’est ainsi que des molécules dosables dans le sang constituent des marqueurs du renouvellement osseux et que les ultrasons semblent prometteurs pour évaluer la structure et la densité osseuses. Le travail d’un ostéopathe équin peut aussi prévenir et guérir certaines affections osseuses chez le cheval.
Ostéomyélite et séquestre chez le cheval
L’ostéomyélite est une infection bactérienne de l’os avec destruction de celui-ci et très souvent prolifération osseuse anarchique. Le cheval ayant ce type de problème présentera une boiterie modérée, la zone infectée sera chaude, douloureuse et un écoulement purulent sera présent si l’infection est consécutive à un traumatisme. Un écouvillon de l’écoulement ou une biopsie osseuse de la zone infectée seront soumis à examen bactériologique afin d’isoler le germe impliqué. Un examen radiologique et/ou échographique est préconisé pour évaluer l’ampleur des dégâts et pour objectiver la présence ou non d’un séquestre osseux, c’est-à- dire un fragment osseux dévitalisé. Il faut noter qu’un séquestre osseux peut se développer sans infection et être consécutif à une absence locale de vascularisation de l’os comme dans le cas de lacérations profondes avec enlèvement du périoste de l’os sous-jacent. Il faudra deux à trois semaines pour bien observer un séquestre osseux à l’examen radiologique.
Le principe de traitement d’une infection osseuse et/ou d’un séquestre osseux, qu’il soit septique ou non, consiste en une résection large de tout le tissu osseux anormal. Une antibiothérapie par voie générale sera combinée avec une application locale ou régionale d’antibiotique. Lors de boiterie importante, il ne faut pas oublier non plus de supporter le membre opposé à l’aide de bandages. Chez le poulain, l’ostéomyélite est très souvent liée à une arthrite septique consécutive à une septicémie qui trouve son origine, dans la majorité des cas, dans un abcès ombilical. Dans ce cas, une résection en bloc de l’ombilic et des structures afférentes est obligatoire pour obtenir un succès dans le traitement de l’ostéomyélite.
Si l’infection affecte un os superficiel, le pronostic après traitement est habituellement très bon pour le sport alors que si l’infection est présente sur un site de fracture ou consécutive à une septicémie chez le poulain, le pronostic est beaucoup plus réservé, non seulement pour le sport mais aussi pour la vie. Chez le poulain, il peut subsister des malformations osseuses irréversibles.
Autres maladies osseuses chez le cheval
Les affections métaboliques ou les tumeurs de l’os chez le cheval sont rares et nous ne présenterons ici que deux exemples: le fibrome ossifiant mandibulaire juvénile et le kyste anévrismal de l’os afin que le lecteur sache qu’il a aussi été décrit de façon anecdotique, dans cette espèce, une multitude d’affections osseuses. Le fibrome ossifiant mandibulaire juvénile est une tumeur bénigne proliférative et exubérante de l’os, impliquant la région rostrale de la mandibule des jeunes chevaux. Défigurante, cette tuméfaction est souvent accompagnée d’une ulcération importante de la gencive hyperplasiée. Le taux de récurrence est élevé si une excision complète de la masse n’est pas faite. Le traitement de choix consiste donc en une mandibulectomie unie – ou bilatérale (enlèvement de la partie rostrale de la mâchoire inférieure). Le pronostic est alors favorable. Le kyste osseux anévrismal est une lésion bénigne, habituellement localisée mais invasive. Sa pathogénie, congénitale ou secondaire à un traumatisme ou à un processus néoplasique, n’est pas établie ; le développement de la lésion est souvent associé à des anomalies hémodynamiques comme des obstructions veineuses ou des fistules artério-veineuses. Le traitement est l’excision chirurgicale.
Pour en savoir plus : les maladies osseuses chez le cheval