Le cheval a été gibier, bête de somme, moyen de traction puis monture de guerre, outil de travail avant de devenir sujet de loisir par le biais de l’équitation. Présent depuis toujours dans la vie des hommes, il n’est pas surprenant de le retrouver figuré dans presque toutes les formes de l’art. Du simple paysage au champ de bataille, en passant par le portrait ou la scène de genre, les artistes de toutes les époques et de tous les styles ont, chacun à leur manière, rendu la beauté et l’élégance du cheval, symbole de puissance et de liberté. La peinture équestre à travers les siècles nous livre un immense témoignage des civilisations passées, des coutumes et des traditions révolues mais aussi une mine d’informations sur le cheval lui-même.
Les premières peintures de chevaux
Adaptant leur dessin aux reliefs de la paroi, les hommes préhistoriques nous ont laissé un nombre considérable de chevaux dont les allures et les détails morphologiques sont d’une étonnante précision. À la finesse des membres qui suggère la vitesse à la course, s’oppose un corps trapu, une encolure épaisse et courte avec une crinière en brosse; la robe varie du jaune orangé au gris souris : ce sont les caractéristiques principales du cheval primitif.
Mélangée aux cendres du foyer, la terre manganeuse a donné le noir, l’oxyde de fer le rouge et la chaux le blanc. Les couleurs étaient ensuite mélangées à de la graisse animale et appliquées à la main ou soufflées à travers un os creux.
Si les plus beaux chevaux de l’art rupestre sont probablement dans les grottes d’Altamira et de Castillo en Espagne, c’est dans celles de Lascaux qu’ils sont représentés dans le plus grand nombre: on les compte par centaines, de toutes tailles, isolés ou en troupeau.
La domestication du cheval offrira aux peintures rupestres, à côté des scènes de chasse, des figurations de chevaux montés et attelés.
Décrire tous les chevaux qui ont galopé sur les bas- reliefs, frises, vasques et urnes funéraires ou immenses fresques de l’Antiquité relève d’un travail de Titan! On peut cependant constater dans ces représentations une évolution due à l’utilisation montée ou attelée du cheval. À propos du galop, les Assyriens et les Égyptiens n’ont représenté leurs chevaux que dans deux attitudes : le galop fléchi et le galop allongé. L’art grec a rajouté le canter qui, plus rassemblé, ne diffère des motifs cabrés que par le lever d’un postérieur. Pour l’anecdote, nous citerons Apelle, un grand peintre grec qui représenta “une cavale si admirable que les chevaux passant près d’elle hennissaient.” Lors d’un passage à Éphèse, ville où résidait l’artiste, Alexandre y vit un de ses portraits exécuté par Apelle mais, le trouvant peu ressemblant, n’en fit qu’un faible éloge. Au même instant, raconte-t-on, l’un des chevaux de sa suite hennit avec vigueur. Contrarié par la remarque du roi, le peintre ne put s’empêcher de parler: “Seigneur, ce cheval s’y connaît mieux que vous en peinture !”
Le Moyen Âge verra l’apparition d’une nouvelle forme de cavalerie et les prémices de la traction hippomobile en tant que moyen de transport. Monter à cheval sera l’apanage exclusif de la noblesse, louée aussi bien dans les romans de chevalerie et chansons de geste que dans la multitude d’enluminures qui orneront les manuscrits. Il faudra attendre encore un tant soit peu pour que la représentation picturale du cheval prenne une réelle dimension.
La Renaissance, un grand tournant pour le cheval dans la peinture
Avec la même minutie que celles des miniaturistes qui les ont précédés, les peintres vont commencer à étudier l’anatomie de leurs sujets et à s’intéresser à l’espace. Les représentations équestres vont s’animer et se teinter d’une ébauche de réalisme tout en exploitant les mille richesses offertes par la toute nouvelle technique de la peinture à l’huile. Passés maîtres dans l’art, on peut citer – entre autres – les frères Van Eyck pour la peinture flamande, Gozzoli, Piero della Francesca et Uccello en Italie. Scènes de batailles et portraits se succèdent au rythme dynamique des chevaux, dans un décor regorgeant encore d’une foison de détails sophistiqués. Remarquons que les chevaux ne sont plus systématiquement représentés de face, de profil ou de dos. Les peintres commencent à rechercher la profondeur par des postures et des mouvements qui permettent de remplir l’espace. Peu à peu, le souci de la réalité historique et du détail semble s’estomper au profit de cette recherche de l’espace. L’influence gothique va disparaître progressivement.
Bien qu’il soit plus connu en tant que médailleur, Pisanello peut être considéré comme le précurseur de ce nouveau genre. Hormis des dessins, des aquarelles et quelques fragments de fresques, il ne nous reste rien pour témoigner de son immense talent. Homme de cheval, il étudie les chevaux et le monde équestre dans leurs moindres détails. Ses fresques ou ses portraits des grands des cours italiennes dénotent d’un admirable don d’observation et de sens du réel, à une époque où le style de la Renaissance ne faisait qu’émerger.
Nul doute que le travail de Pisanello aura grandement influencé Léonard de Vinci.
Comme dans l’eau ou le ciel, Vinci a dompté le mouvement, la dynamique et l’énergie des chevaux. Ses observations vont presque jusqu’à la dissection du moindre muscle, à l’étude minutieuse des gestes, à la précision morphologique extrême. Il veut rajouter “l’âme” au mouvement. Avec un esprit de mathématicien, il jongle avec les proportions et la beauté. Vinci placera ses premiers chevaux dans l’Adoration des Mages, toile inachevée puisque le génie florentin partira pour Milan, embauché comme musicien chez les Sforza. Il s’y présentera muni d’un luth de son invention et dont la forme n’était autre que celle d’un crâne de cheval…
Aléas de la vie, état d’esprit un peu désinvolte de l’artiste ? Vinci n’a vu aboutir aucun de ses projets équestres : que ce soit la statue équestre monumentale de Francesco Sforza sur laquelle il travailla dix ans ou la fresque florentine dont il partagea la commande avec Michel-Ange – La Bataille d’Anghiari – dont il ne nous reste (hormis la copie faite par Rubens) que ses esquisses et ses croquis pour imaginer l’énergie et la fougue de ses chevaux au combat. Mais nous lui pardonnerons ce vide tant il a légué d’enseignements à l’art, à la science et à la réflexion humaine.
Nous sommes aussi à l’ère des grands portraits équestres. La dignité, la prestance que confère le cheval à celui qui le monte n’échappe pas aux souverains et aux nobles, soucieux de leur image et de la puissance qu’ils représentent.
Les portraits équestres de François Ier dus à Jean Clouet sont une belle réussite du genre même si les proportions du cheval sont moins réussies que le costume du roi et les détails du harnachement. Dans le tableau du Metropolitan Museum of Art, le roi monte un cheval noir et sur son caparaçon se distinguent en monogramme le H du roi, le D de Diane de Poitiers et le C de la reine Marie-Christine. Le tableau du Louvre le représente dans la même posture, sur un cheval isabelle, au harnachement plus sobre.
Sous l’influence de Rubens, le portrait équestre va être marqué par la transition vers l’art baroque: les silhouettes rondes et élégantes des chevaux ibériques vont surgir. Crinières longues, soyeuses et ondulées, queues flottantes, allures impétueuses et, sur la toile, une disposition des sujets en diagonale.
Que ce soit à la cour d’Espagne où Velâzquez immortalisa la famille royale, Titien et son portrait de Charles Quint solennel à la bataille de Mühlberg ou Van Dyck dont le portrait de Charles Ier est un modèle de raffinement, c’en était fini des positions figées et des structures un peu plates. Mais, malgré les innovations apportées par Vinci en matière de perspectives et, plus tard, les recherches des peintres baroques, le portrait équestre restera encore longtemps très conventionnel et sans grandes innovations.
Cheval et peinture : paysages et scènes de la vie quotidienne
Sans délaisser les cours seigneuriales, les champs de bataille et les thèmes de la mythologie, les peintres vont aussi se pencher sur les scènes de la vie quoti- dienne : travaux des champs, voyageurs à cheval, attelages en route, chevaux en liberté, cavaliers au manège ou divertissements équestres à l’extérieur… Les maîtres flamands seront les précurseurs de ce nouveau genre dont la vogue s’étendra jusqu’au XVIIIe siècle. Leurs compositions au trait précis, baignant dans une grande luminosité mais toutes de douceur et de poésie, tiendront aussi compte de l’espace, des volumes et de
la construction de l’ensemble. Paulus Potter, considéré comme le chef de file du genre s’est attaché à ce réalisme emprunt de raffinement, d’élégance et de délicatesse.
Le cheval pie, peint en 1653, dont l’immobilité contraste singulièrement avec la vivacité de son regard est un parfait modèle du genre. Le travail, de Potter influencera bon nombre d’artistes, comme Van de Velde, Van Lear ou Wouwerman, et posera les bases de la peinture animalière des siècles futurs.
Au XVIIIe siècle, c’est à George Stubbs que revient incontestablement la palme de la peinture animalière à laquelle rien ne semblait le prédestiner autrement que son immense passion pour les chevaux. C’est donc en parfait autodidacte et sans la moindre formation artistique qu’il s’intéressa, en premier lieu, à l’anatomie du cheval.
S’isolant pendant des années dans une ferme retirée du Lincolnshire, il disséqua minutieusement moult cadavres de chevaux, étudiant les moindres particularités de leur morphologie. Il coucha le fruit de ses observations dans son Anatomie du cheval, un ouvrage aujourd’hui très rare. Il commença aussi un album d’anatomie comparée et publia un livre sur l’origine des principaux chevaux de courses. Mennessier de La Lance le cite, à juste titre, comme “anatomiste et peintre anglais”.
À côté de ses amis scientifiques qui louèrent l’exactitude et la qualité de ses dessins, les amateurs de peinture découvrirent un grand artiste qui sut conjuguer avec un immense talent la rigueur de l’observation scientifique et la sensibilité esthétique et artistique. “La nature est et sera toujours supérieure à l’art.” disait- il mais, cela ne l’empêchera pas d’agrémenter la réalité de cette poésie pleine de chaleur, de douceur et d’émotions qu’il maîtrisait si bien.
Les chevaux de Stubbs sont presque toujours au premier plan, sur un fond uni ou un paysage serein; ils pourraient se suffire à eux-mêmes ! Ce fut d’ailleurs le cas pour un célèbre alezan: Whistlejacket que Stubbs peignit en 1762 et qui serait une commande “inachevée” d’un portrait équestre de George III. Lord Rockingham aurait passé commande de ce portrait à trois peintres : à un portraitiste pour le roi, à un paysagiste pour le décor et Stubbs pour le cheval. Lorsque Stubbs rendit son travail, Rockingham fut saisi par la qualité de l’œuvre au point de décider de conserver le tableau tel que nous le connaissons : cet impétueux alezan aux lignes si parfaites.
L’engouement naissant pour les courses hippiques et la célébrité croissante des chevaux pur-sang anglais offriront à Stubbs un sujet qu’il exploitera largement. Devenu l’un des peintres les plus renommés de la sporting life, il ne négligera pas pour autant ses paisibles scènes de chevaux nus ou en pâture dans lesquelles il excelle, ni les commandes de portraits des éleveurs, des propriétaires et des cracks du turf qu’il honore si bien.
Cheval et peinture : l’épopée napoléonienne
Depuis la horde d’artistes, Charles Le Brun en tête, dont s’était entouré Louis XIV, aucun monarque ne réussit véritablement à imposer un style artistique mettant en valeur aussi bien sa personne que le royaume.
Il faudra attendre Napoléon et son goût prononcé pour la propagande pour voir surgir le “style empire”, tout à sa gloire. De tous les artistes dont Napoléon loua les services, le plus célèbre est sans conteste Jacques-Louis David, admirable portraitiste, très influencé par Rubens dont il saisira tout l’art de la composition et la richesse des couleurs comme le montre son Portrait du comte Potocki (1781).
Il est intéressant de comparer ce portrait équestre à celui que David réalisa, vingt ans plus tard, Bonaparte franchissant le col du Saint-Bernard. Souhaitant être représenté à cheval, on peut s’étonner que le général, très attaché à son image et qui suivait avec grande attention la réalisation de toutes les œuvres, ait accepté l’aberration de sa position en selle et la position pour le moins fantaisiste des rênes de sa monture. Pourquoi David s’est-il à ce point éloigné des règles de l’art équestre qu’il avait par ailleurs si bien maîtrisées, notamment pour le comte Potocki J Mais ce n’est qu’un détail car l’œuvre n’en est pas moins magistrale dans son élan, ses teintes et ses symboles.
Dans le sillage de David, d’autres artistes serviront la peinture historique et glorifieront l’Empire. Parmi eux se trouve l’un de ses élèves: Jacques-Antoine Gros, celui par qui les chevaux vont connaître une nouvelle vigueur, une force et une noblesse, amorce du courant romantique naissant. Citons encore Meissonnier, Détaillé et surtout, Carie Vernet, ce remarquable cavalier qui a partagé son œuvre entre la peinture militaire et les scènes de chasse et de courses. Ses chevaux sont racés, élégants et fins comme les pur-sang qu’il affectionne tout particulièrement. Son fils Horace le suivra dans cet art et deviendra peintre national des guerres napoléoniennes. Théophile Gautier dira de lui: “s’il veut reproduire un cavalier, il ne le campe pas tout nu sur un de ces coursiers en marbre de Phidias, mais il lui met entre les jambes un solide cheval de nos régiments, harnaché d’après l’ordonnance.” L’ironie du sort voudra que ce grand artiste, aussi cavalier émérite, succombe des suites d’une chute d’âne !
Cheval et peinture : le romantisme et l’exotisme honorent les chevaux
Les effets théâtraux figeant les chevaux avec rigueur et sans âme vont céder la place à des représentations animées par la passion et la fougue, parfois teintées d’une violence dramatique.
Le premier a sortir les chevaux de cette rigueur académique dans laquelle l’art les avait si longtemps figés fut Géricault. Homme de cheval et fin cavalier, il a su les faire vibrer comme nul autre avant lui. Les muscles tressaillent sous la peau, l’œil est vif, le geste énergique et élégant. Géricault s’est intéressé à toutes les races et au cheval dans pratiquement toutes ses utilisations. Qu’ils soient orientaux ou percherons, montures de vaillants soldats ou modestes chevaux de la mine, ils sont tous expressifs et en mouvement perpétuel, vecteurs des émotions et de la grande sensibilité de l’artiste.
Comme bien d’autres, Géricault se rendra en Angleterre et sera séduit par le travail des paysagistes et peintres animaliers d’outre-Manche. À ce propos, il écrira à son ami Horace Vernet: “Les maîtres n’ont rien produit de mieux en ce genre. Il ne faut point rougir de retourner à l’école.” C’est dire combien il fut marqué par le style anglais.
Le Derby d’Epsom (1821) est certainement la plus réussie des exécutions qui suivirent ce voyage. Les chevaux y sont époustouflants dans ce galop volant si irréel mais qui insuffle à l’ensemble un merveilleux mouvement.
L’âme romantique et passionnée de Delacroix n’a rien à envier à celle de son ami Géricault qu’il rencontrera peu après être rentré aux Beaux-Arts. Ses chevaux feront chanter la couleur et déchaîneront furieusement le mouvement. Ils sont puissants, ils explosent de vita’ lité. Leur anatomie bien souvent imprécise, parfois inexacte, prouve si besoin était, que faisant fi des exigences de la ressemblance, c’est essentiellement un grand lyrisme qui a dicté le tracé des pinceaux de Delacroix et la fusion de ses couleurs.
Sa palette s’enluminera encore davantage après son voyage au Maroc en 1832. Dès lors, chaque fois qu’il délaissera les scènes historiques, cynégétiques ou mythologiques, ce sera pour se plonger dans ses souvenirs orientaux. Comme l’écrivit Baudelaire: “L’idée orientale prenait en lui vivement et despotiquement le dessus.” Tout ne sera plus alors que puissance et bouillonnement des chevaux – même immobiles – , éclat des costumes, burnous et crinières au vent, baignés d’une lumière nuancée, tantôt chatoyante tantôt ténébreuse.
Delacroix a toujours aimé représenter les chevaux par paires: côte à côte comme les Chevaux sortant de la mer (1860), se faisant face ou violemment enchevêtrés comme dans cette bagarre d’étalons à laquelle il assista un jour à Tanger et pour laquelle il affirma avoir vu là, “tout ce que Gros et Rubens n’ont pu imaginer de plus fantastique et de plus léger”. La scène poignante des Chevaux arabes se battant dans une écurie exécutée trois ans avant la disparition de l’artiste est en quelque sorte à son image : un duel constant entre la révolte et la poésie, la beauté et la passion, la couleur et le mouvement.
Cheval et peinture : du galop des chevaux sur les toiles
Depuis l’Antiquité, les artistes ont indifféremment utilisé trois attitudes pour représenter les chevaux au galop. Les motifs cabrés sensés évoquer la notion de vitesse étaient bien loin de la réalité car les postérieurs solidement fixés au sol retenaient l’élan donné par les antérieurs, aussi allongés vers l’avant soient-ils comme dans le galop allongé qui sera le plus fréquent des motifs.
L’influence des chevaux anglais popularisés par les courses a commencé à intéresser les artistes. S’écartant du style sculptural et un peu rustique des anciens, ils ont tenté de rendre le galop allongé plus mobile, plus expressif. Exagérant la divergence des membres, ils ont aussi placé les sabots des postérieurs sur les pinces, à la verticale, et non plus à plat.
On parlera de galop volant lorsque les sabots des postérieurs, complètement retournés vers le ciel, ne toucheront plus le sol. Mais le galop volant ne se substituera au type cabré que dans les années 1820. Ce nouveau motif inauguré par “l’art sportif’ anglais pénétrera aussi la peinture académique par l’entremise de C. Vernet qui continuera néanmoins à peindre des chevaux au galop allongé, d’Horace Vernet mais sur tout de Géricault qui en offrira la représentation la plus remarquée dans son Derby d’Epsom.
Personne ne s’était interrogé sur l’invraisemblance de ces chevaux galopant ventre à terre, même pas les peintres connus pour leurs compétences équestres ! Les révélations de Muybridge en 1878 vont apporter la preuve irréfutable que toutes les attitudes données jusqu’alors aux chevaux galopant étaient irréelles, hormis le canter des Grecs qui pouvait éventuellement s’apparenter au premier temps du galop réel. Les travaux de Muybridge livreront aussi aux artistes trois positions dont ils n’avaient jamais soupçonné l’existence, donc jamais eu l’occasion de les représenter (les trois autres temps du galop).
Ces grandes découvertes vont bouleverser la peinture équestre et nous mener tout droit à Degas, à qui l’on attribue le premier “vrai” galop de l’histoire de la peinture, dans sa toile Chevaux de courses à Longchamp (1873-1875).
Est-ce donc à l’immense sens de l’observation de Degas, par ailleurs homme de cheval et cavalier confirmé, que. nous devons cette exactitude du mouvement ou au fruit du hasard ? Si le peintre attachait une grande importance à la préparation de ses compositions, ses priorités pour la réalisation finale n’en étaient pas moins que les lignes et les couleurs dont la puissance d’évocation et demotions devaient être l’unique valeur du tableau. Il a évidemment considéré cette exactitude du mouvement mais sa démarche allait au-delà. Ses sujets seront figurés comme des motifs décoratifs dont le souci de réalisme sera supplanté par la recherche de la mise en place et le jeu des couleurs. Degas ne cherche pas les ressemblances, il se débarrasse des détails superflus, le mouvement ne se mesure plus en “illusion de vitesse” mais en intensité de sensibilité et demotions. À sa manière, Degas a mis fin au réalisme.
Tout au long du XXe siècle, la peinture équestre va subir ses plus grandes transformations. Destitué de ses fonctions premières, le cheval des temps modernes va nous priver de tous les thèmes – sources d’inspiration des artistes – dont il fut le protagoniste pendant des siècles. Fantôme du passé livré aux fantaisies des pinceaux, il va rentrer dans le monde de l’imaginaire, aujourd’hui virtuel! Tantôt abstrait tantôt surréaliste, parfois à peine suggéré par une ébauche de trait… A croire que la représentation concrète et l’exactitude, quel que soit le style, ont été exclusivement déléguées à la photo- graphie et au cinéma! Ni passéistes ni pessimistes, les amateurs de chevaux regarderont toujours le cheval dans sa beauté intrinsèque, ils rechercheront les délicieuses scènes de la vie quotidienne et les grands portraits qui ne sont plus aujourd’hui que l’œuvre d’un petit nombre d’artistes.
C’est tout à fait arbitrairement que nous choisissons en épilogue de cette brève cavalcade à travers les siècles une toile de Vincent Haddelsey. Loin des querelles d’école, de modes ou de styles, sa peinture est toute de poésie et de simplicité, de liberté et de sensibilité mises au service du seul cheval. Dans ce XXIe siècle où la vitesse n’est plus illusion, à tel point que les “raccourcis” en tout genre sont là pour tenter de la maîtriser, il est agréable d’avoir l’occasion de prendre le temps d’observer dans cette foison de détails, les chevaux, la nature qui les entoure, leur place parmi les hommes et, cette merveilleuse réalité qui anime l’univers du cheval.
Pour en savoir plus : le cheval dans l’art