Sous les sabots des chevaux de la Garde résonnent quinze siècles d’histoire de l’équitation en France au cours desquels près de 70 corps militaires se sont succédé pour servir la nation, veiller au respect des institutions, assurer la sécurité de la capitale et la protection des souverains. La Garde Républicaine est la dernière descendante de ces anciennes formations et héritière de prestigieuses traditions militaires et civiles.
Depuis que les cités existent, chefs et souverains ont eu à cœur de les protéger, tant des agressions extérieures que des troubles intérieurs. Placés aux portes de la ville, les stationarii gallo-romains lurent remplacés par les sergents de barrière francs pour protéger Lutèce devenue Paris et l’on confia à des milices peu structurées la sécurité intramuros.
Les débuts de la garde républicaine : Le Guet de Paris
C’est Clotaire II, en 595, qui donne au Guet son premier règlement écrit. Constituée par des hommes issus des différents corps de métiers exerçant dans la capitale (d’où son nom de Guet des Métiers), cette organisation survécut bon an, mal an avant d’être complétée au Xe siècle par un Guet soldé, composé de l’élite des milices parisiennes. En 1032, le prévôt de Paris prend le commandement de cette force parfois nommée “Archers de Paris”.
Saint Louis réorganise cette troupe en 1254- Il l’a divisé en deux corps: le Guet Royal soldé par la Couronne et sous l’autorité du chevalier du guet et le Guet Assis (ou dormant), qui est une variante du Guet des Métiers; son rôle est de tenir des postes fixes et de prêter, si besoin, main forte aux archers. Après la mort de Saint Louis, le Guet va continuer à subir d’innombrables remaniements. Le futur Charles V fait du Guet royal une troupe d’arbalétriers à pied et à cheval. En 1559, Henri II supprime ce corps qu’Henri IV se chargera de rétablir en 1594. Combattre les brigands et les malandrins qui sévissent dans Paris n’est pas une mince affaire. Malgré toutes les réformes successives, le Guet ne parvient toujours pas à fournir un service convenable. Colbert remanie à son tour la compagnie du Guet en 1666: il lui adjoint une compagnie d’ordonnance de 50 cavaliers placés sous les ordres d’un lieutenant général de police puis, lui rattache aussi la compagnie de la Garde des Quais et des Remparts. La fusion de ces 3 corps chargés de la police parisienne et placés sous les ordres du chevalier du guet, donnera naissance à la Garde de Paris. Sous la devise Vigilat ut quiescant, les 2 divisions de cavalerie et les 8 d’infanterie de la Garde rempliront leur mission jusqu’à ce que la Révolution les abolisse.
La Maison du Roy
La sécurité de la ville devait aller de pair avec celle des monarques. Considérée comme l’une des plus belles institutions de l’Ancien Régime, la Maison du Roy s’est modestement ouverte avec cent archers affectés à la protection de Charles VIL Trois cents ans après, elle comprenait plusieurs milliers de soldats formant l’élite des armées royales et dont le faste et le panache rivalisaient avec la bravoure des hommes lors d’admirables faits d’armes.
La maison militaire des rois de France fut divisée en 2 corps:
- la Garde du Dedans comprenant: les Gardes du Corps, les Gardes de la Manche, les Gardes de la Porte, les Cent-Suisses et les Gardes de la Prévôté ;
- la Garde du Dehors comprenant : des Gendarmes, des Chevau-Légers, des Mousquetaires, des Gardes Suisses et des Grenadiers à cheval.
Evidemment, seule la Garde du Dehors possédait des unités montées. Supprimés en 1787, les Chevau-Légers n’ont guère brillé militairement et se sont avérés, tout au long de leur existence, très coûteux pour les finances royales. Chez les Gendarmes du roi, compagnie créée en 1602, les privilèges sont nettement supérieurs à ceux des Chevau-Légers. Divisée en compagnies et escadrons sous Louis XIII, la Gendarmerie de la Maison est alors composée de Mousquetaires et de Grenadiers à cheval. Ils seront tous licenciés par Louis XIV en 1787.
Avant de faire les beaux jours d’un genre littéraire, et plus tard cinématographique, les mousquetaires, fiers de leur noblesse et de la belle tenue de leur corps ont fourni de brillants soldats aux armées de Louis XIV et Louis XV. Charles de Batz – alias d’Artagnan – en est certainement le plus célèbre ! Ils ont été organisés en 2 compagnies: la lre remontée sur des chevaux gris tandis que la 2e utilisait des chevaux noirs. C’est dans ce corps que l’on vit les premiers tambours à cheval. Avec les Grenadiers à cheval, Louis XIV crée une véritable troupe d’élite. Envoyée à la tête des troupes à cheval pour ouvrir les passages, elle a accompli de très honorables missions avant d’être, comme d’autres, dissoute en 1776.
Le glas va sonner sur la monarchie en 1792 ainsi que sur ce qui reste des diverses Gardes qui ont fait la gloire de la Maison du Roy.
De la Garde Nationale de Paris à la Garde Républicaine de nos jours
Nationale, consulaire, impériale, royale, municipale, civique… la police de la capitale et la sûreté du pays ne seront vraiment institutionnalisées qu’à la fin du XIXe siècle. Entre-temps, une succession de corps – à l’existence plus ou moins éphémère – va suivre la tumultueuse vie du pays en agissant aussi bien dans la capitale que sur les champs de bataille.
De la milice bourgeoise active sous Louis XVI et qui constitue la Garde Nationale, sortiront les effectifs des divisions de la Gendarmerie Nationale. La légion de la police générale sévira de 1795 à 1796 avant d’être destituée au profit d’une nouvelle Garde Nationale. La Garde des Consuls, devenue Garde Impériale, sera à l’Empire ce que la Maison du Roy fut à l’Ancien Régime: une troupe d’élite à la fidélité exemplaire. Avec ses grenadiers à pied, ses chasseurs à cheval qui se partagent la tâche avec le fameux escadron des mamelouks, elle brillera par ses succès militaires.
Une nouvelle Maison du Roy apparaîtra ensuite et s’éteindra avec la Monarchie de Juillet. Louis-Philippe rattache alors la Garde Municipale à la Gendarmerie en 1838. Les titres et prérogatives de la Garde vont encore changer jusqu’à ce que Louis-Napoléon ne place définitivement cette institution, en 1849, dans les attributions du ministère de la Guerre en ce qui concerne son administration et, sous l’autorité du ministère de l’Intérieur pour ses fonctions parisiennes. “La Garde de Paris chargée du maintien de l’ordre au- dedans ne doit pas être privée de concourir à la grandeur de la Patrie au dehors, elle n’en reviendra que meilleure et plus respectée.” (Napoléon, 1806.)
En perdant sa référence à la capitale en 1978, La Garde Républicaine de Paris confirme sa vocation à servir – non seulement la capitale – mais la nation tout entière comme le firent ses innombrables prédécesseurs.
Le régiment de cavalerie de la Garde Républicaine
Partie intégrante de la Gendarmerie Nationale, la Garde Républicaine se compose de deux régiments d’infanterie et d’un régiment de cavalerie, seule unité montée des armées françaises. Disposant de son propre état-major, la cavalerie est divisée en trois escadrons à cheval plus un escadron hors rang dont dépendent la fanfare, l’infirmerie vétérinaire et le centre de formation (commandé depuis peu par la seule femme, à ce jour, officier du régiment: le capitaine Jegaden).
C’est en plein Paris, à la caserne des Célestins, que siègent l’état-major général du régiment, la fanfare, l’escadron hors rang et le 1er escadron à cheval. La caserne est équipée de plusieurs écuries abritant près de 200 chevaux, d’un manège de 25 m x 55 m et d’une carrière. Les 2e et 3e escadrons sont cantonnés à Vincennes, au Quartier Carnot. Le centre d’instruction du régiment est installé à Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines. Il assure la formation équestre des sous-officiers ainsi que le débourrage des chevaux.
Le régiment dispose de plus de 500 chevaux, répartis par robe dans les unités :
- les alezans au 1er escadron;
- les bais clairs au 2 escadron ;
- les bais bruns au 3 escadron;
Seule la fanfare, remontée en chevaux alezans, utilise des chevaux gris : ce sont ceux des deux timbaliers.
Les chevaux sont tous de grande taille (en moyenne 1,70 m au garrot) et essentiellement des Selle Français, avec quelques Pur-Sang et Anglo-Arabes. C’est à l’âge de 5 ans qu’ils vivront leur “baptême de foule” et premier service officiel: le célèbre défilé du 14 juillet.
En marge de ses activités militaires et officielles, la cavalerie entretient une écurie de concours d’un excellent niveau dans les 3 disciplines.
Les escadrons de cavalerie assurent aussi un service d’ordre sur les hippodromes, la surveillance des forêts d’Ile-de-France, la sécurité de certains bâtiments officiels mais, c’est dans les services d’honneur qu’ils sont toujours le plus admirés et remarqués. Nul ne peut rester insensible au martèlement des sabots sur les pavés ni au panache et à la prestance de ces gardes vêtus de superbes uniformes et coiffés de casques étincelants lors des escortes présidentielles, défilés, prises d’armes et autres cérémonies officielles !
Chevaux et fanfare
Comme quelques autres formations montées militaires, le régiment de cavalerie de la Garde Républicaine a mis en place des formations “spéciales” destinées aux missions de prestige exécutées lors de grandes manifestations publiques. Elle offre ainsi 3 spectacles dont le niveau équestre et artistique est remarquable.
La Maison du Roy : une reprise exécutée au son des hautbois et tambourins par 6 cavaliers en costume Louis XV bleu et argent et 6 autres en rouge et or. Cette représentation donnée avec panache rappelle l’héritage militaire et équestre de la Garde.
La Reprise des tandems : inspirés du travail aux longues rênes enseigné par Pluvinel, maître-écuyer de Louis XIII, les cavaliers de la Garde ont eu l’idée originale de créer une reprise mettant en scène, 16 chevaux et 8 cavaliers. Leurs évolutions élégantes illustrent à merveille cette forme particulière du travail aux longues rênes qu’est le tandem.
Le Carrousel des lances: entre le claquement des flammes rouges et blanches flottant au bout des lances, le choc des sabres et la diversité des figures réalisées à un bon train, ce carrousel – composé de 4 quadrilles de 8 cavaliers montant leur propre cheval d’armes – offre un spectacle qui allie à la perfection la technique équestre et la rigoureuse discipline attachée aux grandes manœuvres de la cavalerie du passé. N’oublions pas la fanfare et ses cuivres qui ont de tout temps résonné au côté des chevaux! Créée en 1848, avec un ancien trompette de marine nommé Paulus à la tête de 12 exécutants, la fanfare de la Garde Républicaine compte aujourd’hui près de 300 musiciens répartis en plusieurs formations dont la fanfare du régiment de cavalerie. Avec ses 40 musiciens, elle précède à cheval le régiment de cavalerie lors de ses missions officielles et contribue à perpétuer les grandes traditions de la cavalerie française.
Pour en savoir plus : le régiment de cavalerie de la Garde Républicaine