Pendant longtemps la préparation physique de l’athlète, qu’il soit humain ou équin, a été empirique ; aujourd’hui, les connaissances scientifiques concernant l’athlète à l’effort s’étant largement diversifiées et approfondies, il est fréquent que l’entraîneur s’entoure d’une équipe pluridisciplinaire qui peut comprendre un préparateur physique, un préparateur mental, un kinésithérapeute et un médecin du sport. L’entraînement du cheval n’échappe pas à cette évolution et nous constatons désormais, en haute compétition, une préparation physique du cheval qui tient compte des dernières connaissances de la physiologie de l’effort.
Les carburants du muscle du cheval
Pour fonctionner, les muscles ont besoin d’énergie. Les cellules musculaires puisent dans leurs réserves, qui sont de 3 types : les supercarburants (A.T.P. et PC.), les sucres (glycogène) et les graisses (lipides). L’A.T.P. est le seul carburant utilisable par la cellule musculaire. Disponible en très faible quantité, il s’épuise en quelques secondes (1 à 3″), aussi devra-t-il être renouvelé en permanence à partir des sucres et des graisses. Pour cela, l’organisme dispose de deux systèmes de carburation : l’aérobiose et l’anaérobiose (fig. I). L’aérobiose nécessite la présence d’oxygène qui, inspiré par les poumons, est véhiculé vers la cellule musculaire par le sang. Les déchets de ces combustions sont constitués de gaz carbonique et d’eau ; ils sont éliminés par la respiration. Ce mode de combustion, d’un grand rendement énergétique, est adapté aux exercices prolongés et d’intensité moyenne.
L’anaérobiose (équivalent du turbo) est utilisée lors d’exercices intenses et de courte durée (3 à 10 minutes). Pour fournir cet effort violent, la quantité d’oxygène apportée à la cellule musculaire devient insuffisante. La transformation des sucres en supercarburant s’accompagne d’une production élevée de déchets (dont l’acide lactique), qui conduira à l’arrêt de l’effort. L’ensemble de ces phénomènes constitue les filières énergétiques. Communs à l’homme et au cheval, leur débit et leur délai de mise en route diffèrent beaucoup de l’une à l’autre.
Chaque discipline sportive, selon sa spécificité, utilise d’une manière prépondérante l’une ou l’autre de ces filières ; les conduites d’entraînement viseront à développer la filière énergétique la plus sollicitée.
Cœur et poumon du cheval, le couple moteur de l’exercice physique
L’action conjointe du cœur et des poumons est d’apporter aux muscles l’oxygène dont ils ont besoin. L’activité cardiaque se mesure par la fréquence cardiaque, qui est proportionnelle à l’intensité de l’effort : c’est l’équivalent du compte-tours de la voiture de course. Cette fréquence cardiaque se mesure facilement sur le terrain grâce aux cardio-fréquencemètres, dont l’emploi est aussi simple chez le cheval que chez l’homme. L’aptitude cardiaque du cheval à l’effort est beaucoup plus grande que celle de l’homme (de 40 battements par minute au repos, la fréquence cardiaque peut atteindre 240 battements). En revanche, le cheval entraîné est limité par sa fonction respiratoire, qui ne peut se développer et devient ainsi, pour l’athlète équin, son point faible.
Le seuil lactique, l’indice de carburation
Le moteur de l’athlète possède un indice de carburation : le seuil lactique. Il correspond à une concentration sanguine d’acide lactique d’environ 4 mmol/1 (valeur identique chez l’homme et chez le cheval). Ce seuil anaérobie correspond à la limite supérieure de l’entraînement d’endurance (capacité aérobie). Au- delà de cette limite, l’accumulation, rapide et importante, de l’acide lactique entraînera l’arrêt de l’activité physique.
L’épreuve d’effort à cheval
Elle a pour but de définir la vitesse et la fréquence cardiaque, correspondant au seuil anaérobie. Elle consiste à faire réaliser à l’athlète, qu’il soit homme ou cheval, un effort d’intensité progressivement croissante, par paliers successifs (de 3 à 5), d’une durée minimale de 2 à 3 minutes, séparés par des intervalles brefs. Tout au long de cette épreuve d’effort, la fréquence cardiaque est enregistrée. À la fin de chaque palier, la concentration d’acide lactique dans le sang est mesurée. Ces paramètres : vitesse et fréquence cardiaque, à la valeur seuil de 4 mmol/1, permettent à l’entraîneur d’évaluer la capacité foncière de l’athlète et de contrôler l’intensité de l’entraînement dit d’endurance.
Conduite de l’entraînement à cheval
Avant toute mise en condition physique, il faudra vérifier l’état de santé et l’aptitude de l’athlète à tolérer les charges de travail. L’entraînement tiendra compte des filières énergétiques sollicitées par la pratique sportive, tout en respectant les règles fondamentales de l’entraînement :
- le développement de l’endurance (processus aérobie) est prioritaire (2 à 3 mois) ;
- le développement de l’endurance nécessite 2 ou 3 séances hebdomadaires;
- pour une plus grande efficacité, l’intensité du travail dans chaque filière (endurance ou puissance) doit être proche de son maximum;
- les séances intenses font appel à l’intervalle training;
- le travail de puissance ne peut se faire plus d’une fois par semaine ;
- une certaine variété dans les séances est nécessaire ;
- des périodes de travail allégées permettront l’assimilation du travail antérieur;
- toute séance d’entraînement doit être précédée d’un échauffement et suivie d’une phase de récupération.
La préparation physique de l’athlète tient de plus en plus compte des données physiologiques de l’effort que l’entraîneur intègre dans son travail au quotidien, néanmoins la performance sportive est la conjonction de différents facteurs au sein desquels la préparation physique ne représente qu’un maillon. L’entraîneur devra tenir compte de tous ces maillons et en assurer le développement harmonieux.
L’empirisme a longtemps prévalu dans l’entraînement de l’athlète humain, mais la science s’est peu à peu imposée pour devenir un outil quotidien pour l’entraîneur de l’homme. L’existence d’une importante recherche fondamentale chez le cheval a rendu logique de proposer une démarche semblable pour la mise en condition de l’athlète équin ; mais c’était sans compter sur l’environnement passionnel qui entoure le cheval…