La reproduction du cheval est un processus complexe et qui a bien évolué au fil du temps, avec l’apparition de plus en plus de méthodes plus ou moins naturelles et sophistiquées. Nous allons dans cet article dresser le portrait des différentes techniques de reproduction utilisées chez les chevaux.
Technique de reproduction du cheval n°1 : La saison
Pour diverses raisons, les éleveurs veulent faire naître les poulains tôt au printemps : ayant opté pour la monte en main ou l’insémination artificielle, ils souhaitent en avoir fini avec les manipulations intensives d’animaux quand ils peuvent être lâchés à l’herbe. Ils souhaitent que les juments et les poulains bénéficient au maximum de la pousse de l’herbe au pré. Enfin, pour valoriser les yearlings ou pour courir à 2 ans, les animaux nés tôt en saison bénéficient d’une avance certaine sur leurs congénères nés plus tard. Par exemple, aux ventes d’août, un yearling de 18 mois peut côtoyer un autre de 13 mois.
Les naissances en janvier sont une anomalie pour le physiologiste : comment arrivent-t-elles ? La saisonnalité est sous le contrôle de facteurs multiples concourant à éviter les naissances en conditions défavorables et à synchroniser l’activité de reproduction avec la saison au moyen de repères fixes. Le repère qui indique la date est la longueur du jour.
L’activité reproductrice des juments est stimulée par les jours longs et inhibée par les jours courts; l’effet de la saison est modulé par l’état nutritionnel, la race et l’état physiologique (suitée, vide, poulinage…). Sans entrer dans le détail, on peut dire que l’inactivité ovarienne hivernale est profonde (ovaires petits, difficiles à stimuler) chez les animaux en déficit nutritionnel, chez les races rustiques, chez les jeunes (hivers 1 et 2 et 2 et 3 ans) et chez les juments qui ont allaité un poulain pendant l’été précédent. À l’extrême, toutes les juments sont inactives d’octobre à mai. Inversement, des juments de sang adultes et bien nourries auront peu ou pas d’arrêt de reproduction : 50 % sont cycliques l’hiver et 50 % s’arrêtent seulement de fin décembre à fin mars.
Il est possible de tromper l’organisme et d’avancer la première ovulation par un éclairage artificiel commencé en hiver pour simuler l’arrivée des jours longs du printemps. Cette simulation est simplifiée, mais doit répondre à plusieurs impératifs :
- Faire suite à des jours courts; en effet, des jours longs toute l’année ne permettent pas la cyclicité toute l’année. En pratique, l’éclairage additionnel est commencé en novembre ou décembre.
- Obtenir par éclairage additionnel des jours d’une durée de 14 heures et 30 minutes au moins et de 20 heures au plus. L’éclairage additionnel peut être le soir ou le matin ou les deux; il n’est pas nécessaire que les jours allongent progressivement. En pratique, il suffit, à partir du 1er décembre, de laisser chaque soir la lumière dans les écuries jusqu’à 22 heures 30 minutes. Le résultat est l’apparition des cycles 70 jours après le début de l’éclairement (vers le 10 février si l’éclairement a commencé le 1er décembre). Cette méthode évite la période de fertilité réduite du début de la saison de monte.
Technique de reproduction du cheval n°2 : La saison la maîtrise des cycles
Les connaissances en endocrinologie et en physiologie ovarienne ont permis des méthodes d’intervention pharmacologiques sur le cycle des juments.
Les progestagènes (analogues synthétiques de la progestérone) sont utilisés pour supprimer les chaleurs et pour bloquer le cycle. En effet secondaire, on obtient une venue en chaleurs après la fin du traitement. Seul un progestagène synthétique (le Régumate) est vraiment efficace par voie orale ainsi que la progestérone en injections journalières de fortes doses (200 mg/jour). Pour un bon blocage, on lui ajoute des œstrogènes.
La prostaglandine F2a a en quelque sorte l’effet inverse en détruisant le corps jaune et en supprimant sa sécrétion de progestérone, ce qui permet une venue en chaleur 2 à 5 jours après traitement. De nombreux analogues synthétiques de la PGF2 oc tous efficaces, sont sur le marché. Un traitement mixte alliant 8 jours de progestagène, suivi d’une injection de prostaglandine, permet de synchroniser très efficacement la venue en chaleurs et de réaliser des saillies programmées.
Une fois la chaleur commencée, naturellement ou après induction, on peut induire l’ovulation. Naturellement, l’ovulation fait suite à une cascade d’événements : chute de progestérone, croissance de follicules sous l’action de l’hormone F.S.H., réponse au follicule qui grossit au-delà de 25 mm par une sécrétion pulsatile de L.H.R.H., qui induit la sécrétion de L.H. par l’hypophyse. C’est la L.H. qui finalement induit l’ovulation en 36 heures. On sait bien induire l’ovulation au moyen de L.H. équine (peu ou pas disponible pour le praticien) ou d’un analogue de L.H. extrait de l’urine de femme enceinte, l’h.C.G. L’ovulation est induite en 36 heures si un gros follicule est là et que l’on ne répète pas le traitement (risque d’immunisation contre cette protéine étrangère la rendant inactive).
Technique de reproduction du cheval n°3 : l’insémination artificielle
L’intensification de la production et du progrès génétique a amené le développement de l’insémination artificielle. Elle permet selon les cas :
– de servir jusqu’à 300 à 500 juments dans une saison sans fatigue.
– de servir les juments à domicile (IA. transportée).
– de séparer dans le temps la collecte du sperme et son utilisation soit à l’état frais (24 à 48 heures), soit congelé (sans limite de temps). La conséquence est la possibilité de double carrière des étalons perforateurs et reproducteurs et la possibilité d’inséminer sa jument avec le sperme d’un étalon venant de n’importe quel endroit du monde.
On distingue selon la sophistication, le partage d’éjaculât sans aucune dilution ni conservation, l’I.A. immédiate ou différée de sperme frais dilué et l’I.A. de sperme congelé.
La collecte se fait en laissant l’étalon chevaucher une jument en chaleur ou un mannequin et en déviant son pénis dans un vagin artificiel, sorte de manchon aux parois de latex lubrifiées et gonflées d’eau de 38 à 40 °C, qui imite le contact du vagin de la jument.
L’éjaculat typique de l’étalon a un volume de 20 à 80 millilitres et une concentration de 50 à 250 millions de spermatozoïdes par ml, soit un total de 1 à 10 milliards de spermatozoïdes. La quasi-totalité de la production spermatique est obtenue à la fréquence d’un éjaculat par 48 heures. Comme les juments peuvent être inséminées à n’importe quel moment dans les 48 heures précédant l’ovulation, cette fréquence de collecte constitue un optimum (maximum de doses pour une fatigue et un travail minimal de l’étalon).
Le sperme collecté est filtré pour séparer la fraction liquide du gel (sécrétion des glandes séminales au rôle peu connu et qui, n’étant pas soluble, rend le sperme hétérogène, difficile à pipeter et à manipu- 1er). La concentration et la qualité sont mesurées après filtration.
En présence d’un très faible nombre de juments au moment de la récolte, on peut se contenter de partager immédiatement l’éjaculât entre les juments.
Si plusieurs juments sont présentes ou si l’on doit préparer des doses pour insémination ultérieure, on dilue le sperme au moyen d’un milieu de conservation plus ou moins complexe selon la qualité du sperme et la durée de conservation recherchée. Les doses préparées contiennent 200 millions de spermatozoïdes par dose de 10 ml. Le milieu le plus simple est le lait stérilisé demi-écrémé U.H.T. Il permet une bonne survie pour la journée après descente progressive de la température à 4 °C. Des milieux plus complexes (milieu de Kenney ou I.N.R.A. 82) contiennent également du lait mais sont additionnés de glucose, de tampons et d’antibiotiques. Ils permettent un maintien de la mobilité du sperme pendant plusieurs jours, bien que la fertilité baisse rapidement au-delà de 24 heures de conservation dans ces milieux. Plus récemment, un nouveau milieu, I.N.R.A. 96, et des conditions de conservation différentes (15 °C et oxygénation) ont permis un allongement significatif de la conservation avec une fertilité normale à 48 heures et légèrement diminuée à 72 heures.
L’insémination proprement dite se fait en introduisant une main gantée dans le vagin pour guider une pipette à travers le col jusque dans la cavité utérine. Ainsi, la totalité de la dose est introduite dans l’utérus.
Pour une conservation de longue durée, on congèle le sperme à très basse température (- 196 °C, température de l’azote liquide). Pour cela, il est nécessaire de procéder à la dilution du sperme en deux temps : une première dilution immédiate pour manipuler la semence, la centrifuger et éliminer le liquide séminal. Après cette centrifugation, un nouveau dilueur contenant du jaune d’œuf et du glycérol, substance cryoprotectrice, est utilisé pour resuspendre les spermatozoïdes et les conditionner en paillettes de 0,5 ml. Ces paillettes sont ensuite placées dans les vapeurs d’azote ou dans une machine à réfrigération programmée afin de réaliser une congélation et une descente de température au rythme de – 1 °C par seconde jusqu’à – 140 °C. Après équilibration à cette température, on peut plonger les paillettes dans l’azote liquide.
Pour la décongélation, les paillettes sont sorties de l’azote liquide et portées brutalement à 37 °C. Selon la technique française, 8 paillettes, soit 400 millions de spermatozoïdes, sont décongelées et leur contenu est inséminé en une dose.
En France, on recommande de réaliser au moins 2 inséminations de 400 millions de spermatozoïdes, l’une de 0 à 24 heures avant l’ovulation et l’autre de 24 à 48 heures avant l’ovulation. De nombreux opérateurs privés et/ou étrangers, dans un souci d’économie des doses, cherchent à réaliser une seule LA. dans les 12 heures qui précèdent l’ovulation.
Le rendement technique de l’I.A. de sperme congelé est assez réduit :
– une sélection rigoureuse des éjaculâts après congélation-décongélation doit être réalisée pour ne garder que des doses présentant plus de 35 % de spermatozoïdes mobiles;
– la plus faible survie des spermatozoïdes nécessite plus d’inséminations pour être proche de l’ovulation;
– les doses d’I.A. sont de 400 millions contre 200 millions de spermatozoïdes en sperme frais. Toutes ces difficultés rendent cette technique assez coûteuse (150 par jument) et la font réserver aux meilleurs reproducteurs. Il est difficile au cours d’un hiver de congeler assez de doses d’un étalon pour l’I.A. de plus de 100 juments.
Technique de reproduction du cheval n°4 : Le transfert d’embryon
Les techniques précédentes (monte en main, détection d’ovulation, planification des saillies, insémination artificielle) permettent d’intensifier l’utilisation des étalons de 5 juments (état sauvage) à 25 (troupeau ouvert), 80 (monte en main) ou 300 (LA.)- En revanche, elles ne permettent pas l’intensification de la production des juments. C’est l’objet du transfert d’embryon qui permet de produire plusieurs poulains dans la même année.
La méthode consiste à réaliser un lavage de l’utérus le 7e jour après l’ovulation pour récolter l’embryon qui vient d’entrer dans l’utérus. En pratique, on peut utiliser des embryons de 6 jours, mais avec un taux de récolte un peu plus faible, car ils ne sont pas tous arrivés dans l’utérus. On peut également utiliser des embryons de 8 jours, plus fragiles, car de taille très supérieure.
On ne sait pas bien provoquer plusieurs ovulations au cours d’une chaleur de sorte que, le plus souvent, un seul embryon est collecté. Il est donc nécessaire de travailler sur plusieurs cycles pour obtenir plusieurs gestations. Jusqu’à 4 produits ont été obtenus d’une même jument la même année. Cependant, à ce jour, la production moyenne des juments en transfert d’embryon n’est que très légèrement supérieure à un poulain par an (contre 0,65 pour les juments portant leur propre poulain).
Les techniques modernes de reproduction du cheval
Les techniques décrites plus haut sont utilisées à des degrés divers en élevage. En France, en 1998, il y avait x juments saillies en liberté, y juments saillies en main, Z inséminées en sperme frais, x en sperme congelé et w en transfert d’embryon. D’autres techniques ne sont qu’au stade expérimental, mais elles arriveront plus ou moins rapidement à l’élevage. Citons la fécondation in vitro (mise en présence d’un ovocyte et de spermatozoïdes dans un tube à essai pour produire un embryon que l’on transfère par la suite) : à ce jour, seulement deux poulains sont nés par cette technique.
L’I.C.S.I. (Intra-Cytoplasmic Sperm Injection) est une technique dérivée qui consiste à injecter un seul spermatozoïde directement dans l’ovocyte d’une jument sous le microscope. Moins de dix poulains sont nés à ce jour par cette technique.
En l’attente d’un meilleur rendement de ces techniques, le transfert d’ovocyte d’une jument donneuse à une receveuse constitue une solution de remplacement pratiquée aux U.S.A.
Bientôt, le clonage fera son apparition comme dans toutes les espèces.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? L’élevage moderne orienté vers la compétition est un jeu aux règles subtiles… Comment expliquer que les calendriers des ventes aux enchères et des courses ont pour conséquence que tous les haras de Pur-Sang cherchent à faire reproduire les juments au moment le plus défavorable de l’année? Comment expliquer qu’une jument, si elle est Pur-Sang, n’aura droit à aucune technique d’in- sémination artificielle; si elle trotteuse, aura droit à l’insémination artificielle, mais seulement avec du sperme frais sur le lieu de stationnement de l’étalon ; si elle est selle français, pourra être inséminée avec du sperme frais, transporté ou congelé, mais seulement en se rendant dans un centre “agréé” ; enfin, si c’est une jument de trait, elle pourra utiliser du sperme frais ou congelé et être inséminée à domicile. Ce n’est certainement pas la physiologie des diverses races qui explique ces différences !
Des luttes d’intérêt et d’influence des acteurs de la filière résultent des décisions réglementaires de plus en plus compliquées. Celles-ci créent des situations artificielles qui font vivre une armée d’administratifs, de zootechniciens et de vétérinaires et qui pèsent lourdement sur les coûts de production. Seule certitude, avant de devenir nos jouets, les poulains continueront à naître d’une jument et à gambader pour leur plus grand plaisir, fidèles à leur comportement naturel.
Pour en savoir plus : La page dédiée à la reproduction du cheval
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